Yann LeCun (le Breton a reçu, en 2018, le prix Turing, co-attribué à Yoshua Bengio et Geoffrey Hinton, considéré comme l’équivalent du Nobel en informatique) prévoit de quitter Meta fin 2025, année au cours de laquelle l’entreprise a accéléré sa bascule stratégique dans le développement de l’IA. Le spécialiste français va créer sa propre start-up avec une approche différente du groupe de Mark Zuckerberg pour concevoir des systèmes aussi intelligents que les humains.

Après les rumeurs, l’officialisation. Après 12 ans de bons et loyaux services auprès de Meta, le Français Yann LeCun a annoncé son départ, confirmant les informations révélées par le Financial Times la semaine dernière.
Considéré comme un des pères de l’IA, il est arrivé au sein de l’entreprise en 2013, y passant les cinq premières années en tant que directeur fondateur du laboratoire FAIR (Facebook Artificial Intelligence Research), puis sept ans comme responsable scientifique de l’IA. Mais il prévoit désormais de fonder sa propre start-up, toujours dans ce domaine.
« Je crée une start-up pour poursuivre le programme de recherche Advanced Machine Intelligence (AMI) que je mène depuis plusieurs années avec mes collègues de FAIR, de NYU (l’université de New York, NDLR) et d’ailleurs », a détaillé Yann LeCun sur Linkedin, précisant qu’il quittera Meta à la fin de l’année.
L’IA générale, un terme inapproprié pour Yann LeCun
Comme il l’avait expliqué lors d’une conférence en 2024, AMI est le nom de code interne de FAIR pour un autre terme utilisé dans le secteur: l’IA générale (AGI). Il est utilisé pour désigner le but recherché par plusieurs entreprises du milieu, dont Meta et OpenAI, qui est celui de développer des systèmes aussi intelligents que les humains.
Mais pour Yann LeCun, le terme « IA générale » n’est pas approprié pour décrire l’intelligence humaine car celle-ci n’est « pas du tout générale », mais « très spécialisée ».
Et pour y arriver, il faut ce qu’on appelle des « world models », soit « des systèmes qui comprennent le monde physique, dotés d’une mémoire persistante (capacité de retenir des informations sur plusieurs sessions pour offrir des réponses plus personnalisées au fil des interactions, NDLR), peuvent raisonner et planifier des séquences d’actions complexes », a réitéré le spécialiste de l’IA dans son message sur Linkedin.
Des modèles d’IA souvent critiqués
Pour comprendre le fonctionnement du monde réel, les « world models » sont entraînés avec des images et des vidéos. Cela leur permet de générer de véritables environnements physiques virtuels, dans lesquels il est possible de se déplacer, comme l’a montré Google Deepmind avec son modèle Genie 3 en août dernier.
De l’autre côté, les grands modèles de langage (LLM), à la base d’outils comme ChatGPT ou Meta AI, sont formés à l’aide de grands ensembles de données, par le biais d’un apprentissage non supervisé. Ils peuvent ainsi servir à plusieurs cas d’utilisation et non pour une tâche spécifique, comme l’explique Nvidia sur une page dédiée.
Mais ces modèles ont souvent été critiqués par Yann LeCun, qui les juge limités. « Il me semble qu’avant de trouver d’urgence comment contrôler des systèmes d’IA beaucoup plus intelligents que nous, nous devons avoir le début d’une ébauche de conception d’un système plus inteligent qu’un chat domestique », a par exemple écrit le directeur scientifique pour l’IA chez Meta sur X en mai 2024.

Car contrairement aux IA comme ChatGPT, un chat est doté « d’une perception du monde physique, d’une mémoire, de raisonnement et d’une capacité d’anticipation », avait-il développé dans le Wall Street Journal. Et les chatbots sont loin d’avoir de telles aptitudes aujourd’hui.
« Mener à la prochaine grande révolution de l’IA »
Pour Yann LeCun, les systèmes actuels ne sont que la preuve qu’il est possible de « manipuler le langage sans être intelligent ». Contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, ils ne débitent pas des phrases comme nous le faisons, mais font des prédictions sur le mot suivant à partir de probabilités définies par leurs entraînements. Ils donnent ainsi l’illusion de comprendre le langage humain et d’être intelligents sans l’être.
Le Français estime que ces outils sont incapables de faire franchir un cap décisif à l’IA. Pour lui, ce sont les « world models » qui vont « mener à la prochaine grande révolution de l’IA », car le plus important est la méthode d’apprentissage et non la quantité de données.
« Selon ma vision, AMI aura des applications très diverses dans de nombreux secteurs de l’économie, dont certaines recoupent les intérêts commerciaux de Meta, mais beaucoup d’autres non. Poursuivre les objectifs d’AMI au sein d’une entité indépendante est un moyen d’en maximiser l’impact », a affirmé Yann LeCun.
Changements au sein de Meta
Pourtant, Meta, comme d’autres entreprises IA, mise sur les LLM pour parvenir à l’IA générale. Ces derniers mois, Mark Zuckerberg a d’ailleurs réorienté le développement de l’IA au sein de la société. Un changement qui s’est accompagné d’une vaste campagne de recrutements. Le milliardaire a notamment débauché le cofondateur de la start-up Scale AI, Alexandr Wang, qui dirige une nouvelle entité baptisée Superintelligence Labs.
Cette unité rassemble des ressources dédiées à l’IA. Yann LeCun y a ainsi été intégré et placé sous la responsabilité d’Alexandr Wang. Malgré ses critiques et les changements au sein du géant américain, le Français assure « être extrêmement reconnaissant à Mark Zuckerberg, Andrew Bosworth (directeur technique, NDLR), Chris Cox (chef produit, NDLR) et Mike Shroepfer (ancien directeur technique, NDLR) pour leur soutien à FAIR et au programme AMI ces dernières années ».
Meta sera d’ailleurs partenaire de sa nouvelle entreprise, sur laquelle il promet de donner plus de détails « en temps voulu ».
Source : BFMTV
CV
LinkedIn
AssessFirst